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Renaissance Microbienne : Redécouverte des Microbiotes des Semences Ancestrales pour l’Agriculture de Demain

Article écrit par Philippe Desbrosses paru dans Nature-&-Progrès

Philippe DESBROSSES est un pionnier de l’agriculture biologique, Docteur en Sciences de l’Environnement. Président-fondateur d’Intelligence Verte et du Conservatoire Mille Variétés Anciennes de Sainte Marthe, partenaire du projet de recherche. 

L’agriculture du futur : L’intérêt des bactéries et champignons endophytes pour l’agriculture

RECHERCHE APPLIQUÉE SUR LES FONCTIONS NATURELLES DES ÉCOSYSTÈMES, NOTAMMENT DES BACTÉRIES ET CHAMPIGNONS ENDOPHYTES, FACTEURS DE CROISSANCE ET DE SANTÉ DES PLANTES.

Microbiomes de semences et impact de la domestication des plantes

Quel est le problème environnemental sur lequel nous voulons agir : 

Les semences végétales abritent diverses communautés microbiennes dont la composition est déterminée par le génotype de la plante, l’environnement et les pratiques de culture. La domestication des plantes est maintenant reconnue comme un facteur important de transformation de la composition des communautés microbiennes associées aux plantes. Dans quelle mesure et comment la domestication qui altère les microbiomes des semences est-elle moins bien connue… Nous proposons ici une approche « retour vers le futur » pour découvrir les microbiotes des semences de parents sauvages des cultivars afin de conserver et de rétablir les fonctions bénéfiques de ces micro-organismes endophytes pour une meilleure tolérance des plantes au stress biotique et abiotique …

L’appel à la conservation des microbiomes des semences

En lisant cet appel « Sauver les microbiomes des semences » de la Société internationale pour l’écologie microbienne, venant conforter un appel reçu du ministère de l’Agriculture dans la moiteur de l’été 2018, je compris l’immense défi auquel nous étions désormais confrontés sur le toboggan de l’artificialisation généralisée de nos écosystèmes.

Préservation de la biodiversité : La mission du Conservatoire Mille Variétés Anciennes de Sainte-Marthe en Sologne

Depuis plus de 40 ans, nous nous sommes donné pour mission de sauvegarder les variétés ancestrales de notre patrimoine végétal, en créant le conservatoire Mille Variétés Anciennes de Sainte-Marthe en Sologne (1974).

Etait-ce un souci légitime pour garder les trésors légendaires de nos campagnes, ou pour l’avenir agronomique et économique de nos terroirs, ou pour la richesse de la biodiversité dont nous comprenons mieux l’intérêt scientifique, dans la résilience et la pérennité de nos écosystèmes, ou globalement pour la beauté des paysages … ?

Je ne saurais dire quelle était la part de la recherche esthétique, ou du plaisir de détenir des collections d’espèces potagères et fruitières rares, ou encore le désir de mieux observer l’évolution et la complexité de l’ écosystèmes pour sa résistance au changement climatique, et encore pour satisfaire les besoins nutritionnels des populations… toujours est-il que l’originalité et la notoriété de notre engagement nous a permis d’accumuler dans notre conservatoire plus de 1840 variétés anciennes dont nous avons largement diffusé les bienfaits depuis la fin des années 70 jusqu’à nos jours auprès de nombreux jardiniers et de chefs étoilés.

Et quand un après-midi caniculaire d’août 2018 je reçu un appel du ministère de l’agriculture, pour une demande inattendue d’une jeune fonctionnaire, spécialiste des endophytes microbiens de semences qui voulait tester nos variétés ancestrales…je découvrais que notre travail et nos efforts de préservation n’avaient pas été vains.

La découverte : l’importance des semences ancestrales et des endophytes microbiens

A ma question :  pourquoi vous intéressez-vous aux semences de variétés anciennes ?

Réponse : parce que préparant une thèse sur les endophytes microbiens de semences, (entendez les écosystèmes microbiens symbiotiques), nous constatons que les variétés modernes n’ont plus, ou très peu d’endophytes… (en quelque sorte elles ont perdu ces auxiliaires indispensables à la vigueur, à la croissance, à l’équilibre sanitaire des plantes, à leurs saveurs et à leur teneur en nutriments…)

Ainsi je mesurais avec quelques frissons symptomatiques que ma marotte pour les variétés oubliées n’était pas que du folklore, mais bien une nécessité fondamentale pour l’avenir de nos espèces comestibles, pour la fécondité des sols et la qualité de l’écosystème tout entier.

Collaboration avec le laboratoire des Symbioses Tropicales et Méditerranéennes

C’est ainsi que je rejoignis le La boratoire des SymbiosesTropicales et Méditérranéennes, dirigé par Robin Duponnois, directeur de Recherches à l’IRD, grâce à sa jeune collaboratrice Maïwenn L’Hoir, chargée de l’étude, et des analyses comparatives effectuées sur nos graines de tomates…Elles furent pleinement concluantes et selon un terme sorti du cœur : « il n’y avait pas photo… » , entendez : un foisonnement microbien sur nos variétés anciennes.

J’en ai rédigé une note de vulgarisation avec tout l’enthousiasme de la découverte, dont je livre ici la teneur :

La dégradation des agrosystèmes est étroitement corrélée à la paupérisation des caractères des communautés microbiennes associées aux végétaux modernes. Les micro-organismes conservés dans nos variétés ancestrales peuvent reconstituer les fonctions des éco-systèmes d’origine microbienne disparus, ou en voie de disparition. (Collections de semences traditionnelles du Conservatoire Mille Variétés Anciennes de Sainte-Marthe – 41200. Millançay – Sologne.) 

Résumé : La réhabilitation récente de la microbiologie des sols, dans la Recherche scientifique, a permis de redécouvrir la subtilité du fonctionnement des écosystèmes, et particulièrement le rôle des endophytes microbiens. 

Les endophytes : des alliés pour la santé des cultures

On appelle endophyte un organisme qui accomplit tout ou partie de son cycle de vie à l’intérieur d’une plante. Certains endophytes, constitués essentiellement de champignons et de bactéries sont très bénéfiques, voire nécessaires au développement de leurs plantes-hôtes. Ils améliorent l’accès des plantes aux nutriments et à l’eau et parfois empêchent certains organismes pathogènes de les coloniser, et inversement, grâce à une batterie de molécules utiles ou défensives produites par le métabolite de l’endophyte. L’utilisation par une plante, de champignons mycorhiziens pour se défendre est un phénomène très commun dans la nature, avant l’arrivée des pesticides de synthèse.

Ces endophytes sont essentiels à la croissance, à la santé et à la pérennité des cultures. Ils ont en partie disparu des écosystèmes microbiens chez les variétés modernes et constituent l’une des causes indéniables de la dégradation des sols, de l’appauvrissement des qualités nutritionnelles des plantes, de leurs pertes de saveurs et des rendements de plus en plus décroissants des cultures et des élevages… Ce sont clairement les pratiques de l’agriculture intensive, les critères de sélection des plantes monoculturales et les intrants chimiques qui sont à l’origine de ses disparitions préjudiciables. 

Les collections de variétés anciennes : un espoir pour l’agriculture

Heureusement nous détenons dans nos collections de variétés anciennes ce potentiel inestimable pour reconstituer les conditions d’équilibre, de croissance et de vigueur des sols et des plantes. 

Nous sommes en présence d’une véritable révolution scientifique au dire de nombreux experts, parmi les plus réputés. Les résultats de l’étude, à laquelle nous participons, sont très attendus pour l’amélioration des pratiques agricoles respectueuses des écosystèmes et leur adaptation au changement climatique. 

Vers un nouveau paradigme : le microbe comme allié

L’Agriculture du futur, est fondée sur la reconstitution des équilibres biologiques des sols et des plantes que la chimie de synthèse a compromis depuis un siècle et demi. Les perspectives d’un véritable changement de paradigme se trouvent dorénavant dans l’imaginaire collectif où le « microbe» ne doit plus être considéré comme l’ennemi héréditaire, mais comme notre principal allié. 

Cette découverte révolutionnaire du rôle essentiel des communautés microbiennes associées aux plantes nous inspire un programme de recherche d’avant-garde pour explorer les bienfaits de la nature, immédiatement applicables à l’agriculture ! 

Nous amplifions la révolution agro-écologique en cours, avec l’espoir de répondre aux besoins vitaux des populations, malgré les temps troublés qui affectent la planète et les prévisions incertaines de la production alimentaire mondiale… 

La situation peut paraître paradoxale car nous n’imaginions pas découvrir maintenant un tel présage d’abondance dans l’étude du « vivant ». Nous pensions avoir fait le tour de l’efficacité agronomique avec toutes nos disciplines scientifiques, plus spécialisées les unes que les autres, et au bout du compte relativement impuissantes dans leurs applications…(exemple : les chimères O.G.M…

Depuis quelques années apparaissent des publications de plus en plus intéressantes sur l’importance des relations interspécifiques, le commensalisme et les interactions microbiennes dans nos écosystèmes. 

Les découvertes récentes sur les « microbiomes » et « microbiotes » ouvrent des horizons insoupçonnés pour l’agriculture, la nutrition, la santé et l’environnement… Les institutions scientifiques ne s’y sont pas trompées. Il s’agit d’une véritable mutation qui mobilise aujourd’hui de nombreuses équipes à travers le monde, comme une nouvelle « ruée vers l’or. » 

Il est légitime de parler d’un véritable changement de paradigme dans notre approche scientifique du monde et de la vie. Pourquoi cette recherche d’avant-garde enflamme-t-elle autant les esprits de notre époque ? 

Parce qu’il semble que la vision matérialiste, qui a généré en deux siècles un monde purement mécanique et aseptisé, est l’objet d’un grand désenchantement et que, l’esprit a besoin de se reconnecter aux fonctions mystérieuses de la vie et à sa poésie…

Conclusion : Une vision renouvelée de la science et de la vie. Le microbiome : un outil essentiel pour la transition écologique et énergétique

La société contemporaine semble vouloir retrouver les mille-et-une astuces que la nature exploite depuis des millénaires pour « nourrir la vie » et mettre en œuvre une production de biens durables, autonomes, économes, salubres et non polluants comme devrait le garantir en tout premier lieu l’Agriculture et l’Alimentation. 

En clair il s’agit de retrouver « bon sens » et « sagesse » en réhabilitant ce microbiome ou microcosme des bactéries et champignons, symbiotiques ou non, autant d’auxiliaires précieux qui constituent la trame du vivant, moteur universel auquel nous appartenons tous et que la Science, toute fraîche éclose, avait choisi à mi-parcours, d’ignorer ou d’en négliger l’existence, pour lui préférer les performances éphémères et dommageables d’une technologie thermo- industrielle, dont nous mesurons aujourd’hui les limites et les méfaits. 

Plus précisément, de quoi s’agit-il ? 

De l’extraordinaire potentiel présent dans la nature, l’air, l’eau, et les sols, avec lequel il convient de retisser des liens d’interdépendance et des collaborations étroites. Univers microbien, matrice de toutes choses, (endophytes, enzymes, champignons mycorhiziens, bactéries, algues, etc…) autant de miracles à ciel ouvert avec lesquels nous devons composer pour réussir la transition écologique et énergétique. 

Nous avons, devant nous, un boulevard d’investigations et de découvertes en perspective pour favoriser la productivité sans nuire à l’écosystème. 

La première de ces avancées est mise en œuvre par l’équipe de recherche de Robin DUPONNOIS du LSTM, à laquelle INTELLIGENCE VERTE s’associe pour fournir les bases de ses variétés potagères et fruitières anciennes (conservatoire de Sainte-Marthe en Sologne) et pour collecter les budgets nécessaires à la réalisation des études. 

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